De Mécili au Hirak populaire : l’esprit d’une résistance démocratique et pacifique
Cher Ali, vous saviez que votre mort serait imminente et vous aviez célébré le 19 mars 1987 les Accords d’Evian dans un restaurant de la rue Saint Michel le Jugurtha. Les balles étaient algériennes mais c’était les balles de l’Algérie officielle qui, elles ne célébraient pas Evian. Déjà, vous vous posiez la question de savoir comment se faisait-il que cette Algérie officielle n’ait pas intégré le 19 mars dans son calendrier cérémonial alors que celui-ci a mis fin au long cauchemar vécu par les Algériens à savoir la nuit coloniale. Nous étions ce 19 mars 2022 à Evian pour commémorer cette date !
Sachez cher Ali, que l’Hôtel du Parc est devenu une résidence privée et qu’il ne se trouve, à ce jour aucune plaque faisant référence à ces Accords car même si Evian fait partie de l’histoire, ce n’est plus un lieu de mémoire. L’Algérie officielle ne célèbre pas cette date car cette Algérie a été le fossoyeur de l’esprit d’Evian. L’Algérie dont vous aviez rêvé, vous l’avez vu mourir au lendemain même de sa naissance car Evian incarnait le triomphe de ce qui restait à l’époque de l’esprit politique indépendantiste né dans le discours de Bruxelles un 10 février 1927 par l’Etoile Nord-Africaine. En enterrant l’esprit d’Evian, la force a définitivement évacué le politique de la scène algérienne. Une force s’est substituée à une autre. Le militaire a remplacé le colon. Ce dernier a aimé l’Algérie et non les Algériens et depuis, l’Algérie qui t’a tué sème la non-vie en Algérie.
Tu as consacré toute ta vie pour lutter contre cette Algérie officielle et mortifère : l’Algérie des militaires et de la police politique. Tu incarnais l’Algérie du peuple contre l’élite des privilèges domestiquée et au service du Militaire et tu faisais corps avec le peuple et ses causes. Tu étais l’image de l’Algérie plurielle, l’Algérie dans toute sa diversité. Tu étais la voix d’une Algérie démocratique, pacifique et réconciliée. Londres en 1985 préfigurait Rome en 1995. Sans aucun doute, l’Algérie t’habitait.
La naissance du Front des Forces Socialistes est le fruit de la nécessité historique. Sa naissance répondait à l’urgence du moment et s’opposait à cette nouvelle force conquérante : l’Armée des Frontières. Rien ne le distingue de l’esprit de résistance qui jalonne notre histoire millénaire.
De qui sommes -nous les Héritiers ? Nous sommes les héritiers de cet esprit de résistance. Pour faire main basse sur le pays et ses richesses, L’Algérie des Généraux a toujours cherché à éliminer toutes les figures susceptibles d’unifier et de réconcilier les Algériens. En 1987, tu étais cette figure : celle d’une Algérie démocratique et pacifique. En 1999, Hachani aussi incarnait cette figure et vous fûtes, à deux moment historiques différents, le pont qui pouvait unir les Algériens. L’image du pont, je l’emprunte à celui qui fût votre fidèle compagnon politique mais aussi celui du peuple Algérien : Hocine Ait Ahmed.
Trois décennies plus tard, ton rêve prend corps et descend dans la rue pour s’incarner dans le soulèvement populaire du 22 février 2019. A la différence de toutes les luttes passées qui furent idéologiques (de gauche dans les années 70, islamiques dans les années 90), la singularité de ce soulèvement est qu’il est populaire, démocratique et pacifique et qu’il s’inscrit donc dans l’esprit de ton combat politique.
En t’assassinant le 7 avril 1987, le pouvoir invisible de l’Algérie officielle a voulu tuer l’esprit de résistance. Au lieu de cela, ta mort ne fait que libérer cet esprit de résistance pour en faire une réalité politique. Car en effet, un grand acquis du Hirak fût la reconquête de notre Algérianité dont tu étais le chantre. Nous n’oublions pas que tu as voué ta vie à la reconquête de notre unité. Notre nouveau cauchemar a vu le jour en 1962 au moment de ta première mort lorsque tu as vu mourir l’Algérie au lendemain même de sa naissance sous les bottes du Militaire et sa police politique.
Tu es mort à deux reprises pour que l’Algérie de tes rêves puisse voir le jour et c’est en février 2019 que nous avons eu le sentiment de « revivre ». Ton combat s’inscrit dans l’esprit de résistance qui s’est opposé à cette nouvelle occupation depuis 1962. Aujourd’hui, il incombe au Hirak populaire de faire de ce sentiment de « Renaissance » une réalité politique.
A vous cher Ali et à tous ceux qui ont résisté pour que le jour de « Renaissance » advienne, nous vous disons : Merci.
Mahmoud SENADJI (Vigilance populaire de Strasbourg – Algérie du peuple)
24 AVRIL 2024